Bruxelles alternatif

BLOG & ARTICLES  mercredi 21 novembre 2012 Yamina El Atlassi

La culture alternative a une belle place à Bruxelles, même si, par définition, l’information la concernant est un petit plus compliquée à trouver. Quelques pistes pour s’y retrouver dans le dédale d’offres culturelles en marge des grandes enseignes commerciales connues de tous.

En effet, parce que son objectif principal n’est pas le gain, la promotion des événements et lieux alternatifs ne bénéficient pas d’une communication importante et coûteuse.

Premiers pas

Le plus simple, pour se familiariser avec la culture alternative est de se rendre d’abord dans un café, pour y boire un verre entre amis et amateurs de découvertes culturelles. C’est là que le regard du curieux trouvera de quoi lire : de nombreux “flyers” et affiches donnant les indications de quelques événements à venir.

Au centre ville, c’est le Café Central qui vaut le détour. Avec ses soirées et ses concerts de musique allant du jazz au rock en passant par le noise ou l’expérimental, nulle doute que ce café en plein quartier Saint Géry saura surprendre !

Attirant une clientèle plus estudiantine et artistique, la Gougoutte à Pépé est un bar qui ne paye pas de mine, mais qui est très chaleureux. Un simple verre, une soirée jeux, poésie ou un concert s’y déroulent bien souvent.

Dans le même type d’ambiance, décontractée, chaleureuse, le genre de café où s’installer jusqu’au petit matin et refaire le monde avec son voisin de table citons l’Athénée et le Pantin.

Ce dernier, est une institution à Flagey : il existe depuis les années 80 et il  a réussi le pari de se renouveler et de s’agrandir sans perdre son âme si particulière qui plaît énormément aux nombreux joueurs d’échecs qui s’y donnent rendez-vous !

Les temples de la culture alternative

Cela fait plus de 15 ans que l’asbl Recyclart offre un programme varié dans la gare de Chapelle, en plein centre de Bruxelles. En réhabilitant un lieu “abandonné” (bien que tous les trains de l’axe Nord-Midi passent par cette gare et certains y font même un stop), situé en plein centre de Bruxelles, l’association veut participer au dynamisme et à la découverte du quartier alentour par le biais de projets urbains. Le public est également inviter à s’ouvrir à la découverte culturelle multi-disciplinaire.

Les événements culturels organisés au Recyclart ne ressemble à rien de ce qui se fait d’autre dans la ville : visites guidées où l’on va à la rencontre des habitants du quartier Rouppe, concerts de groupes peu connus du grand public, exposition photos ou vidéos autour des thématiques urbaines, il y a parfois même des ateliers coiffure ou fabrication de son pain au milieu d’une soirée musicale !

La même année que la création du Recyclart (1997), le Cinéma Nova voyait également le jour, à quelques pas de la Galerie du Roi. Ce cinéma indépendant a réussi à se faire une belle place à Bruxelles, proposant chaque mois de nombreux films autour d’une thématique. C’est également l’hôte de plusieurs festivals de films indépendants (Offscreen, Pink Screens, …)

L’un des événements phares du Nova se déroule en été, hors de ses murs : le PleinOpenAir prend possession de divers lieux bruxellois, souvent inédits, impopulaires et méconnus et propose ainsi de découvrir de nouveaux quartiers, en sus des concerts et bien sûr des films diffusés en plein air.

Pour les amateurs de musique, depuis presque 20 ans, le Magasin 4 permet à des groupes de divers styles musicaux de trouver leur public, prêt à toutes les découvertes.

Du Hardcore au Ska en passant par le Metal et le Hip Hop mais aussi de la Chanson française ou encore des sons expérimentaux sans oublier ces musiques indéfinissables et totalement inclassables, voilà ce qui attend le curieux qui pousserait la promenade en-dehors des sentiers battus jusqu’au QG du Magasin 4, à proximité de Tours et Taxis.

Allons encore plus loin dans les archives bruxelloises de la scène alternative : présent depuis 30 ans dans les agendas des amateurs de rock alternatif, le DNA vient de réouvrir ses portes après quelques mois de fermeture.

 

De nombreuses générations de fans de rock s’y sont succédés : des punks dans les années ‘80, ce sont aujourd’hui les “métaleux” qui prennent d’assaut l’endroit à chaque concert. Il faut dire que la scène métal ne jouit pas d’une importante présence à Bruxelles et que rares sont les endroits où les groupes qui jouent ce genre musical peuvent s’en donner à coeur joie...

D’autres adresses incontournables

Il est assez remarquable de constater que les adresses alternatives bruxelloises tiennent le coup sur plusieurs décennies. Ainsi en est-il du cinéma d’art et d’essai Le Styx, situé rue de l’Arbre bénit depuis près de 40 ans, mais qui avait déjà ouvert une première salle à une autre adresse dès 1967 ! Ce cinéma intimiste situé dans une maison ixelloise continue à proposer des films de qualité, délaissés par les complexes cinématographiques et cela sans subsides.

Il en va de même pour l’Actor’s studio, ouvert également par Claude Dioury - fondateur du Styx - et situé quant à lui dans la très touristique rue des Bouchers !

Salle de concert underground dont la programmation allie art et musique, Les Ateliers Claus sont également devenus un des lieux phares de la culture alternative. Les lieux undergrounds aiment la proximité des gares, semble-t-il, puisque les Ateliers Claus ont trouvé leur nid sous le passage Rogier, en-dessous des rails du train et à quelques mètres de la gare du Nord.

En s’y rendant le soir, on croise sur sa route quelques hommes d’affaires rentrant dans leurs hotels de luxe et qui ne se doute pas de la riche vie culturelle qui se déroule sous leurs yeux....

A Schaerbeek, c’est le Novanoïs, avec ses soirées jams ou sa scène ouverte, qui est réputé auprès de tous les musiciens des scènes alternatives bruxelloises. Il faut dire que beaucoup y passent leur journée, puisque c’est d’abord des studios d’enregistrement qui ont pris place dans ce qui était un cinéma... le Nova !

Plus méconnu, c’est au coeur de Saint-Josse que se déroulent les activités du Bunker Ciné Théatre. Un programme aléatoire mais riche et varié avec des expositions, des festivals de fanzine, des projections de documentaires ou de films underground, des soirées ou des pièces de théâtre... 

La culture alternative à portée de tous

Il existe d’autres lieux encore plus accessbiles pour le grand public. D’abord parce qu’ils se situent en général à proximité, que leur vocaction est de toucher un public local et le plus large possible et qui proposent tout au long de l’année, à prix démocratique, des spectacles, films ou expositions loin des dictats commerciaux.

Ce sont les nombreux centres culturels de la ville !

Il  y a les centres culturels communaux, comme le Jacques Franck à Saint-Gilles ou l’Espace Senghor à Etterbeek. Ils sont tous répertoriés sur un site commun : celui de la Concertation des Centres culturels bruxellois.

Il y a également les 22 centres communautaires flamands, tous renseignés sur un site commun, parmi lesquels on retrouve De Martken ou le Pianofabriek.

Enfin n’oublions pas que Bruxelles est une ville multiculturelle à plusieurs titres et que la présence de ressortissants de nombreuses régions du monde permet l’existence de centres culturels internationaux.

Une liste, non exhaustive est disponible sur le site de la Région de Bruxelles Capitale.

On y trouve des centres culturels liés à un pays, comme le Goethe Institut pour l’Allemagne ; à une région du monde, citons la Maison de l’Amérique latine ; à une région au sein d’un pays, comme le Centre galicien La Tentation ou encore à une langue, avec par exemple l’ Institut européen de la culture arabe.

Les médias alternatifs

Afin de découvrir les lieux appréciés de certains locaux, pourquoi ne pas faire comme tous ces jeunes voyageurs qui prennent d’assaut et consultent les très bonnes cartes, hors des sentiers battus, créées par Use It, un office du tourisme alternatif tourné principalement vers les jeunes voyageurs, au budget réduit ? L’accent est mis sur des lieux décalés, bon marchés, proposant de réelles alternatives gastronomiques, commerciales et culturelles.

Pour rester au courant de ce que la culture alternative a à offrir, il est possible de le faire depuis son salon, ou au voulant de son véhicule... en écoutant la radio !

Nous faisons référence aux quelques radios libres qui diffusent sur les ondes bruxelloises : il y a Radio Panik, dont le siège est situé à Saint-Josse, décidément riche en adresses alternatives, mais aussi Radio Campus et Radio Air Libre.

Ces trois radios ont été créées au tout début des années ‘80, et leur histoire est celle de la radio libre en Belgique. Elles ont gardé des objectifs d’indépendance, de découvertes culturelles et se battent farouchement contre toute tentative de récupération commerciale.

En consultant les programmes et en suivant les péripéties qui sont les leurs, nous ne pouvons que constater que la culture alternative flirte souvent avec la contre-culture, plus contestaire.

Culture alternative ou contre culture ?

Ce constat est également évident quand on se tourne vers les librairies alternatives, loin des grands espaces qui vendent des best sellers et autres titres à grand tirage. Bien que la plupart des bonnes librairies ont également à coeur d’offrir des éditions alternatives, certains libraires sont plus bien plus alternatifs que d’autres.

Citons la Librairie Maeltstrom, tour à tour maison d’édition, boutique, organisateur de festivals internationaux. Au coeur de ses objectifs : une poésie révolutionnaire !

La Librairie La Borgne Agasse offre un grand choix de livres de seconde main, dont de nombreux sont plutôt contestataires, qu’ils soient politiques, historiques ou philosophiques.

A Saint-Gilles, les éditions Aden mettent également leur indépendance en avant et proposent - entre autres - des ouvrages à contre-courant de la pensée politique ambiante. Les idées progressistes des auteurs choisis par cette maison d’édition s’expriment aussi par le biais de la littérature et du graphisme....

C’est également à Saint-Gilles qu’a très judicieusement trouvé place la Librairie Aurora dans un immeuble où fut arrêté les membres de l’Orchestre Rouge, un groupe de résistants à l’Allemagne nazie, qui donnaient leurs informations à l’URSS. Dans la librairie, aujourd’hui, de nombreux ouvrages sur le marxisme, l’histoire des anarchistes russes, et bien d’autres courants contestataires à travers le monde.

Le mot “anarchiste” étant lâché, nous ne passerons donc pas sous silence l’existence d’Acrata, un centre de documentation, bibliothèque et plus généralement un lieu de rencontres dans le quartier Saint-Géry, dont l’objectif est “d’aiguiser les connaissances et affronter la domination”.... Tout un programme à découvrir !

Plongée dans l’underground

Anarchistes, squatteurs, militants, activistes... Souvent tous ces termes sont amalgamés alors qu’ils évoquent des réalités différentes, même s’il y a des points de rencontres entre ces différents groupes. Bien souvent, ce qui est partagé par de nombreux d’entre eux c’est une culture, très alternative, commune.

Il existe à Bruxelles, quelques squats très actifs au niveau culturel, et qui proposent de nombreuses activités, pas uniquement politiques : des tables d’hôtes, des concerts, des séances de ciné-club, des ateliers jardinages, yoga ou découverte de la perma-culture.

Ce sont des lieux de rencontres où échanger ses idées, ses visions, ses goûts musicaux.

Parmi ceux-ci, les plus actifs sont “le 123”, il s’agit d’une asbl qui trouve et gère des lieux abandonnés afin d’offrir un logement temporaire à des personnes en difficulté. Au rez-de-chaussée du 123, rue Royale, se trouve le “Bokal Royal” qui ouvre ses portes lors de l’une ou l’autre activité organisée par eux ou en partenariat avec d’autres asbl.

Autre lieu : Le Phare à Ixelles. Dans cette très belle maison ixelloise vivent, avec l’autorisation du propriétaire, plusieurs personnes. Elles ont décidé de partager le très bel espace qu’offre le lieu par le biais d’activités hebdomadaires : projection de documentaires du lundi soir, ciné-club pour enfants le dimanche après-midi, parfois même une soirée de concerts et de DJ sets, sans oublier le magnifique jardin très bien entretenu lors des séances publiques de jardinage ! Lors de toutes ces activités, il y a toujours un délicieux plat (souvent végétarien) qui est servi et pour lequel une petite participation est demandée (le prix est libre).

A Schaerbeek, c’est à La Poissonnerie que sont conviés les habitants du quartier afin de se détendre et de partager des activités.

L’occupation de tous ces lieux est précaire, certes, mais pas la motivation de ceux qui y sont actifs !

Tous les endroits cités dans cet article proposent non seulement leur propres activités alternatives mais sont également de bons points de départs afin de découvrir toutes les autres activités culturelles éphémères et très précaires qui sont organisées un peu partout en ville, par tous ces citoyens motivés par la découverte de musique, de formes d’art et d’échanges loin des diktats commerciaux... 

Yamina El Atlassi

Commerces à découvrir