La Petite Gazette
RENÉ HENRY |
Le 5 janvier, c’est li djoû dès hèyes
Les curieux et les amateurs de notre belle langue wallonne ouvriront peut-être le célèbre Dictionnaire liégeois de Jean Haust pour en savoir davantage sur ce que sont les « hèyes » et, sans doute, en quelques lieux du val de l’Amblève sera-t-on surpris d’y lire: « Lès hèyes, (archaïque) coutume aujourd’hui disparue; le 5 janvier, veille des Rois, les enfants allaient quêter aux portes en chantant des couplets traditionnels. » Les plus surpris seront incontestablement les habitants de Sougné, de Remouchamps et de Nonceveux car, dans ces villages, cette tradition, déjà attestée au XIVe siècle, se perpétue aujourd’hui encore grâce à des amoureux du folklore traditionnel qui, fort heureusement, trouvent qu’il est essentiel de maintenir vivantes ces antiques traditions bien de chez nous. Dans ces villages des rives de l’Amblève, la veille de l’Epiphanie, les enfants, maquillés et déguisés, sillonnent les rues et s’arrêtent aux portes pour chanter d’antiques refrains, en wallon ou en français, dans l’espoir de recevoir en retour « ine pitite hèye », friandises ou menue monnaie.
Initialement, les enfants se déplaçaient par groupe de trois et, évidemment, les déguisements traditionnels évoquaient les rois mages et leur symbolique: Melchior est le roi lumineux, Balthazar, le roi noir, évoque les ténèbres et, enfin, Gaspard est quant à lui le roi brillant.
Cette très ancienne coutume, jadis très répandue dans toute la région liégeoise, trouverait son origine dans les traditions des Bons Métiers, les corporations de la Principauté de Liège.
« Melchior et Balthazar sont venus d’Afrique, sont venus d’Afrique, avec le roi Gaspard… »
En légende: Dessin de Michèle Mertens illustrant le chapitre « Lès Hèyèdjes » in René Henry, Hier en Ourthe-Amblève – Réalités et Mystères, Liège, Dricot, 1991
Les chansons les plus anciennes et les plus savoureuses sont en wallon et elles s’entendent toujours à nos portes dans la soirée du 5 janvier (un tout grand merci à celles et à ceux qui les apprennent aux petits hèyeus).
Madame, dji vins hèyî
Po veûy çou qu’vos m’din.riz
Vos-avez fé dès wafes.
Vos m’lès lériz sayî.
Boutéz foû, botéz d’vins
Jusqu’à tant qu’î eûy bin plin.
Ine pitite hèye, Madame, pace qui dj’a si bin tchanté!
Ou encore:
Bondjoû, Madame, dji vins hèyî
Eune bone an.nèye à v’sohêtî
On bon rôy po l’dj’oû d’vosse vêye
Et dès galants à vos djônès fèyes.
Dj iso v’nou chal è vosse payis.
Tot nou, tot d’hâs, tot mâ tchåssî.
Ine pitite hèye po m’rimoussî!
Ine pitite hèye, Madame pace qui dj’a si bin tchanté!
Ne soyez donc pas surpris le 5 janvier prochain, si, au crépuscule, vous entendez chanter à votre porte. Réservez un bon accueil à ces petits « hèyeûs » qui perpétuent nos traditions car, si vous n’ouvrez pas votre porte ou que vous ne les récompensez pas, vous risquez de vous entendre souhaiter tout autre chose: « dji v’sohête li Diâbe è l’coulêye po tote l’an.nèye! »
Les hèyeus de Sougné et de Remouchamps seront accueillis par les Cabris du Val d’Amblève à l’école communale La Redoute et ceux de Nonceveux, à l’école communale du village par l’Association des parents, le 5 janvier, dès 17h. Partout un chocolat chaud les réchauffera!
Vlan
